Gestionnaire d'actifs

Le moment est idéal pour se saisir de votre responsabilité sociétale

Alors que les pays d’Europe commencent à sortir de confinement, nous voici dans un monde avec quelques certitudes et beaucoup d’inconnues.

Parmi le peu de certitudes, nous pouvons citer la soudaineté et la profondeur de l’impact économique lié au confinement ; alors que le Fonds Monétaire International prévoyait une croissance du PIB mondial de +2,9 % en janvier 2020, moins de quatre mois plus tard, la prévision a chuté à -3 %1.

Pour ne citer que quelques inconnues, nous pouvons nous interroger sur la nécessité de nouvelles périodes de confinement pour contenir la propagation du virus et de l’impact supplémentaire qu’elles auront sur l’économie. Mais aussi sur le déséquilibre social plus profond que le Coronavirus pourrait créer à l’avenir, par exemple entre ceux dont les activités professionnelles peuvent être maintenues pendant le confinement et ceux qui se retrouvent soudainement sans travail. Ou encore, sur les implications de ce virus, qui pourrait engendrer un isolationnisme et des conflits économiques entre les nations, ou entraîner une coopération et une collaboration accrues à l’échelle mondiale.

Dans un monde aussi difficile à lire, l’éventail des anticipations d’investissement des gestionnaires d’actifs est très large et va d’un pessimisme extrême (seuls le cash et l’or méritent attention) à un pessimisme avec une légère pincée d’optimisme. Bien entendu, tout le monde s’attend à ce que les gestionnaires d’actifs publient de telles anticipations, même s’il est incroyablement difficile de résoudre une équation comportant autant d’inconnues.

Je pense que la responsabilité des gestionnaires d’actifs est en fait beaucoup plus large que cela : dans un monde où tant de choses doivent être repensées, la responsabilité sociétale des gestionnaires d’actifs n’a jamais été aussi grande qu’aujourd’hui. Dans la première partie de cet article, je présenterai des arguments pour appuyer cette thèse. Je démontrerai ensuite pourquoi l’Investissement Responsable est aujourd’hui plus nécessaire que jamais. Enfin, en connectant ces sujets, je montrerai en quoi cela représente un tournant pour le secteur de la gestion d’actifs.

La responsabilité sociétale de la gestion d’actifs est plus grande que jamais.

Je ne peux pas imaginer une industrie qui ait un impact sociétal plus important que la gestion d’actifs. Cet impact est dû à la fois à ce que les gestionnaires d’actifs font pour les investisseurs finaux et à la portée des produits qu’ils gèrent. Ce qu’ils font pour les investisseurs finaux est, par exemple, de les aider à atteindre une sérénité financière à la retraite. Ce qui, compte tenu de la structure démographique de notre monde, est une énorme responsabilité sociale. Les produits qu’ils gèrent ont également un impact social puissant : fournir ou prêter des actifs aux entreprises galvanise l’économie, oriente ses priorités et crée des emplois. De plus en plus, cela a une incidence directe sur les questions environnementales, sociales et de gouvernance.

Les systèmes de retraite sont de plus en plus sous tension. Certains d’entre eux étaient déjà sous-financés à hauteur de 20 à 30 % avant cette crise. Les taux d’intérêt, encore plus bas, exerçant une pression sur le passif de ces régimes, et les actifs ayant été endommagés par la récente crise des marchés, on peut se demander si les fonds de pension, et non les banques, sont des agents de risque systémique.
L’une des responsabilités sociales des gestionnaires d’actifs consiste à aider ces fonds de pension à trouver des solutions qui leur permettent de remplir leurs obligations.

Des millions d’entreprises dans le monde, tant publiques que privées, ont besoin de financement pour survivre et créer de l’emploi. Et, comme nous le verrons plus loin, cette crise a mis en lumière tout un ensemble de nouvelles questions sur les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance. La responsabilité des gestionnaires d’actifs sur ces sujets est engagée dès maintenant.

L’Investissement Responsable en action

De nombreux articles ont déjà été publiés sur l’explosion de la demande que la crise du coronavirus va entraîner pour les investissements ESG et je partage largement ce point de vue.

Tout d’abord, pour des raisons spirituelles. Être confiné, voir les autres tomber malades et être soi-même menacé par le virus, a permis à beaucoup d’entre nous de réaliser que ce qui compte vraiment pour nous est la sécurité et la bonne santé, la famille et les amis, la capacité de se projeter dans l’avenir, pour ne citer que quelques exemples. Ces questions ont toutes des implications en matière d’investissement.

Deuxièmement, je partage ce point de vue pour des raisons financières. Cette crise est un exemple concret de l’impact énorme que des événements non financiers peuvent avoir sur les actifs financiers. Un jour, un autre virus pourrait être à nos portes – ou le changement climatique pourrait déclencher de nombreux événements aux conséquences économiques comparables. Comment s’y préparer du point de vue de la gestion des actifs ?

Cette crise montre à quel point le S de ESG est désormais primordial. Autant que le E et le G qui ont pu être le point de mire dans le passé, le S est maintenant au centre2. Les événements ont révélé certains comportements privilégiant le profit financier à court terme au détriment de la bonne conduite sociale, voire de la santé et de la sécurité. Un gérant d’actifs a pris un angle intéressant en analysant les compagnies aériennes du point de vue du S, plutôt que du E, plus habituel dans l’industrie3. L’existence même du virus pourrait créer un certain déséquilibre, par exemple entre ceux qui sont immunisés et ceux qui ne le sont pas. Tout cela fait du S un paramètre encore plus important à analyser lorsque l’on prend des décisions d’investissement.

Cela ne signifie pas pour autant que le E et le G méritent moins d’attention qu’auparavant.

Les confinements ont révélé un impact environnemental positif dans le monde entier – moins de pollution atmosphérique, moins de déversements toxiques, une faune florissante et le retour des chants d’oiseaux dans nos villes, pour n’en citer que quelques-uns. Tout cela est bien, mais ne résout pas le problème de fond : nous ne voulons pas régler le E au prix d’un ralentissement économique, d’une augmentation du chômage, d’une pauvreté croissante et de tensions géopolitiques accrues. Au contraire, l’amélioration du E devrait être un moteur de croissance. La crise sanitaire vient s’ajouter à la liste déjà longue des problèmes environnementaux à résoudre. Par exemple, la crainte de la contamination pourrait conduire à une utilisation accrue des transports individuels et privés plutôt que des transports publics – exactement le contraire de ce que visent de nombreuses politiques environnementales. Il faudra également faire preuve de créativité pour résoudre ce problème.

Le G mérite également d’être examiné plus avant, avec toute une série de questions telles que la relation d’une entreprise avec ses fournisseurs, comment ceux-ci sont sélectionnés, dans quels pays et pourquoi, où une entreprise installe ses centres de production et pourquoi, etc. Cette liste de questions s’allongera avant de se raccourcir.

Les gestionnaires d’actifs doivent dès à présent assumer leur responsabilité sociétale.

Dans tout ce que j’ai exposé ci-dessus, les gestionnaires d’actifs ont un rôle à jouer. Et ce rôle est beaucoup plus large et plus noble que celui de « juste » générer de bonnes performances. Je pense que les gestionnaires d’actifs devraient accepter ce rôle, l’intégrer à leur identité et l’exprimer clairement dans leur marque.

Une marque solide et bien conçue apporte différenciation, confiance, simplification du choix et pouvoir de fixation des prix4. Autant d’attributs qui sont devenus encore plus souhaitables dans un monde Covid-19. La marque est également l’expression de la culture de l’entreprise et la crise actuelle offre un exemple concret de la manière dont une culture clairement réfléchie et exprimée peut être un catalyseur.

L’accent a été mis sur les outils de vidéoconférence pour expliquer la transition des entreprises vers une mise en place du travail à domicile. Aussi utiles soient-ils, ce ne sont que des outils. La culture a un impact immense sur le succès, ou non, de la transition des entreprises vers le travail à domicile. Nous avons vu des gestionnaires d’actifs qui ont brillamment traversé l’environnement difficile du premier trimestre 2020 du point de vue de l’investissement, mais qui ne sont pas en mesure d’en tirer parti du point de vue du client parce qu’ils n’arrivent pas à opérer efficacement à distance. Et cela n’est pas dû à la technologie. Cela est dû à une culture qui ne favorise pas ce mode de fonctionnement. À l’inverse, nous avons vu des entreprises faire une transition rapide et sans heurts vers cette nouvelle normalité et leurs équipes sont galvanisées par le défi.
Au coeur de la marque se trouve la Raison d’Être5: pourquoi l’entreprise est là, pourquoi elle existe. C’est le noyau spirituel qui rayonne de l’intérieur et forme le tissu conjonctif et les muscles qui façonnent et animent la culture unique de l’entreprise.

Pour les gestionnaires d’actifs, cet objectif doit maintenant mettre l’accent sur leur responsabilité sociale. Avec mon collègue Markus Kramer, j’ai créé le Responsible Investment Brand Index, RIBITM, qui mesure le lien entre ce que font les gestionnaires d’actifs en termes d’Investissement Responsable et la façon dont ils le projettent dans leur marque6. L’un des éléments que nous évaluons est l’expression d’une Raison d’Être, sa qualité et la manière dont elle est liée aux objectifs de la société. Dans l’édition 2019 de l’indice, nous avons constaté que sur les 220 plus grands gestionnaires d’actifs européens, seuls 13 % expriment une raison d’être en rapport avec des objectifs sociétaux. Pour ceux qui le font, et le font bien, les avantages internes et externes sont énormes.

Des Raison d’Être exprimées comme suit : « Our goal is to help people invest better, retire better» ou « To empower people to live a better life» ou « We believe investing responsibly enables economic prosperity and social progress» sont encore plus fortes et plus inspirantes à la lumière de la récente crise et des nombreux défis sociétaux qui l’accompagnent.

Donc, pour paraphraser Peter Drucker, qui a dit « Le profit pour une entreprise est comme l’oxygène pour une personne. Si vous n’en avez pas assez, vous êtes hors-jeu. Mais si vous pensez que votre vie consiste à respirer, vous passez à côté de quelque chose », nous dirions : « La performance pour un gestionnaire d’actifs est comme l’oxygène pour une personne. Si vous n’en avez pas assez, vous êtes hors-jeu. Mais si vous pensez que votre vie consiste à respirer, vous passez à côté de quelque chose ».

Ceci est encore plus vrai à une époque où il y a tout un monde à réinventer.

Le secteur de la gestion d’actifs est soumis à une immense pression. Au-delà des performances qu’il génère, le public attend qu’il assume ses responsabilités sociétales.

C’est une immense opportunité pour cette industrie d’être perçue comme le moteur de ce qui va bien, plutôt que comme le bouc émissaire de tout ce qui va mal.

Nous voulons contribuer à ce mouvement. Dans ce cadre, ma société, H-Ideas, vient de signer les Principes pour l’Investissement Responsable. Nous sommes fiers de nous engager aux côtés des gestionnaires d’actifs, des détenteurs d’actifs et de leurs fournisseurs de services pour contribuer à un avenir plus durable.

Dans un tel contexte, nous faisons quatre recommandations aux gestionnaires d’actifs :

  • Exprimez clairement votre marque et, en particulier, ce qui est au coeur de celle-ci : votre Raison d’Être.
  • Établissez le lien entre vos convictions en matière d’Investissement Responsable, vos décisions d’investissement et votre marque.
  • Passez votre gamme de produits en revue pour vous assurer qu’elle est cohérente avec votre marque et qu’elle est focalisée sur vos meilleures expertises.
  • Exprimez votre proposition d’une manière qui corresponde aux besoins de vos clients. Comme je l’ai dit dans des articles précédents, « le client est focalisé sur ses problèmes, pas sur vos produits »7 et « le succès d’une communication repose sur ce qui est perçu par l’auditeur, pas sur ce qui est dit par l’orateur »<8/sup>.

Si vous souhaitez discuter de ces sujets, n’hésitez pas à me contacter.

 


 

1 Fonds monétaire international : World Economic Outlook, avril 2020. https://www.imf.org/en/Publications/WEO/Issues/2020/04/14/weo-april-2020
2 Voir par exemple : « Coronavirus forces investor rethink on social issues. », Attracta Mooney, 30 avril 2020, Financial Times.
3 The Social Responsibility Challenge during the Covid-19 Crisis – as illustrated by the Airline Industry. ». Alexandra Egg, CFA – Analyste des investissements durables – Kieger. https://tinyurl.com/ycw864oa
4 « La marque des gérants d’actifs et de fortunes : le trésor est caché dans votre ADN » Jean-François Hirschel et Markus Kramer, Juin 2019. https://www.h-ideas.ch/la-marque-des-gerants-dactifs-et-de-fortunes-le-tresor-est-cache-dans-votre-adn/
5 « The Guiding Purpose Strategy, A Navigational Code for Brand Growth », Markus Kramer, 2017, Clink Street Publishing, Londres/New York.
6 Responsible Investment Brand Index : https://www.ri-brandindex.org/
7 « Quatre bonnes pratiques de communication gagnantes : Meilleure pratique n°2 – Le client est focalisé sur ses problèmes, ps sur vos produits ». – Jean-François Hirschel – Février 2020 – https://www.h-ideas.ch/quatre-bonnes-pratiques-de-communication-gagnantes-bonne-pratique-n2-le-client-est-focalise-sur-ses-problemes-pas-sur-vos-produits/
8 « Quatre bonnes pratiques de communication gagnantes : Meilleure pratique n°3 – le succès d’une communication repose sur ce qui est perçu par l’auditeur, pas sur ce qui est dit par l’orateur ». – Jean-François Hirschel – Février 2020 – https://www.h-ideas.ch/quatre-bonnes-pratiques-de-communication-gagnantes-bonne-pratique-n-3-le-succes-dune-communication-repose-sur-ce-qui-est-percu-par-lauditeur-pas-sur-ce-qui-est-dit/