Ne pensez pas à un éléphant rose.

J’ai assisté récemment à une présentation d’un gérant d’actifs qui lançait un fonds, bien après que beaucoup de concurrents aient lancé une offre du même type.

Compte tenu de ce contexte, l’un des principaux arguments de la présentation était « Il n’est pas trop tard. »

Mais le gérant s’est-il bien rendu compte que, malgré tous ses efforts, son audience a entendu « Il est trop tard » ?

C’est d’autant plus dommage que lancer ce fonds maintenant repose sur l’idée d’investir dans certains types de sociétés, différentes de celles des concurrents. C’est illustratif des convictions du gérant sur le secteur. Cela lui donne un positionnement distinctif. Une simple mauvaise formulation suffit à éclipser ce qui fait l’identité et l’unicité de cette gestion.

Vous pensez que c’est un cas isolé ? Non, les tournures négatives sont fréquemment utilisées dans notre industrie. Quelques exemples tirés de présentations de gérants :
« Nous n’avons pas pour ambition de tout faire pour tout le monde. »
« Nous n’avons pas une unique approche d’investissement. »
« Nous ne dépendons pas d’une seule source d’alpha. »
« Un marché de niche qui n’est pas encore arrivé à maturité. »

Pourquoi il ne faut pas utiliser de tournures négatives.
D’abord parce que le cerveau humain est naturellement fait pour détecter l’existence de menaces ou de risques. La phrase « Il n’est pas trop tard » suggère donc la possibilité qu’il puisse être trop tard.
Une autre raison est que les négations sont plus difficiles à traiter par le cerveau. Elles requièrent deux étapes. Tout d’abord, nous visualisons la partie négative « trop tard », puis nous la déconstruisons : « il n’est pas ». Ce processus peut conduire à retenir seulement une fraction du message, généralement celle qui provoque la peur ou le sentiment d’urgence.

Quelques exemples.

Il est assez sûr qu’en lisant le titre de cet article « Ne pensez pas à un éléphant rose » vous ayez en fait pensé à un éléphant rose. D’autant plus que je vous ai mis sur cette voie avec l’illustration.

Dites à un enfant « fais attention à ne pas renverser ton verre de lait ». Il est très probable que le lait soit sur la table dans les deux minutes qui suivent.

Les golfeurs sont parfois mis au défi par des obstacles d’eau sur le parcours. Si le joueur prépare son coup en se disant « je dois éviter de faire tomber ma balle dans l’eau », il y a de fortes chances que sa balle finisse dans l’eau. Mais si sa préparation mentale consiste à dire « je dois placer la balle à cet endroit » (bien sûr à côté de l’eau) en visualisant la bonne trajectoire, alors les chances de réussite sont bien plus élevées.

Est-ce que c’est difficile ? Non, il n’est pas plus compliqué d’écrire ou de dire « C’est le bon moment » que « Il n’est pas trop tard ».

La prochaine fois que vous préparerez une présentation, imposez-vous la discipline de faire une revue pour vérifier que toutes les tournures sont positives. C’est un bon complément à mes convictions de communication que j’ai déjà partagées avec vous :

Tout est une question d’émotion

Le client est focalisé sur ses problèmes, pas sur vos produits

Le succès d’une communication repose sur ce qui est perçu par l’auditeur, pas sur ce qui est dit par l’orateur

Toutes choses égales par ailleurs, le meilleur communiquant remporte le business. Et les choses ne sont pas égales